D'après ceux que je côtoie, c'est la première fois que le musée des beaux-arts fait une incursion dans le domaine de l'art contemporain.
Et il fait plutôt les choses en grand puisque M-J L. est exposée à la fois aux beaux-arts et au musée de la tapisserie contemporaine.
Si j'apprécie grandement l'effort d'explicitation de sa démarche via 2 journaux d'exposition, j'ai envie moi aussi d'analyser comment j'ai perçu ses travaux.
L'expo au musée de la tapisserie contemporaine est due à ses premières pièces qui sont effectivement de la tapisserie.
La suite de l'expo présente des portraits photo et de la vidéo.
De toutes les photos des 2 expos ce sont celles de la série "savoir, retenir et fixer ce qui est sublime" que j'ai le plus appréciées.
Sans rentrer dans la part formelle de son discours (photos noir et blanc, prédelle de couleur), il en ressort une intensité, quelque chose passe dans le regard des modèles qui me parle effectivement de sublime ...
Dans la salle suivante, ce sont d'autres adolescents encore, sous la douche, qui ont l'air de me narguer avec leurs corps tout frais et dont leurs yeux me le disent clairement ! Sales gosses !
Et pour conclure toujours dans l'eau une vidéo d'une nageuse tournant et virant dans une eau sombre. Le texte m'explique qu'elle induit une sensation de malaise parce qu'on ne sait pas si elle est en train de se noyer ... A qui faire croire ça quand on est une génération de l'image ? Alors que j'y vois - moi - une célébration du mouvement en apesanteur (bon, ça recoupe mes préoccupations ...).
Je passe sur les monochromes (ça ne me parle pas plus que ça , même si je reconnais que Malévitch fut un génie) et un de leur titre que je trouve particulièrement racoleur.
Dans la foulée allons jusqu'au musée des beaux-arts qui accueille des pièces spécialement produites pour le lieu.
L'expo est riche, avec beaucoup à voir, à entendre, je ne vais pas parler de tout. Il en ressort une impression de grandiloquence, c'est imposant à tous les sens du terme.
La série qui me fait le plus "tilter" s'appelle "babylon babies". C'est encore une série de portraits d'ados.
Très grands portraits, très nombreux, en couleur, sur fond coloré, frontaux, d'autant plus qu'une partie est accroché le long de couloirs, on a vraiment le nez dessus.
C'est sensé être politique, nous interpeler sur la réalité que vivent ces ados. Bien.
Moi, ce que j'y vois : des adolescents transformés en mannequin de mode, la peau sans une imperfection (toute mère de famille d'ado se gondole instantanément !...) passée au fond de teint, mascarisé, photoshopisé. Chosifié. Après la femme-objet, l'ado-objet porteur et vendeur de signification. Leur regard ne sont pas vides certes mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il sont au service de la promotion culturelle de M. LaF.
Quant à la série sur les fables de la Fontaine sensée illustrer les archétypes de notre société (le singe, le renard, gniagnia ..) je trouve ça tellement littéral que ça en perd toute son efficacité. On est à la limite de l'abscon.
Une autre pièce intéressante : "Jeder Engel ist shrecklich". Comme je cause teuton tout les jours (!!!) je vais vous traduire :"tout ange est terrible" tiré d'un poême de Rainer Maria Rilke.
En fait, c'est le dispositif que je trouve intéressant, monumental, impressionnant. A l'intérieur 15 moniteurs diffusent la même vidéo d'une explosion de feu. J'y peux rien, basiquement la vidéo m'emmerde la plupart du temps. Heureusement qu'il y a cet environnement qui fonctionne assez bien : je suis assez impressionnée. Mais pas du tout par le drame qui se joue sur les écrans. Je le redis, on est au siècle de la télé, de l'image manipulée, montée, démontée, mon subconscient a du mal à se laisser abuser.
J'arrête ma petite critique perso ici, mais il y a beaucoup plus que ça à voir.
Hier soir, en rentrant du vernissage je mesurais tout l'abime qu'il y a entre une artiste institutionnelle dont manifestement le financement de projets imposants va de soi et celle qui rentre dans ce monde par une porte dérobée et prie pour trouver la personne et le lieu qui croiront suffisamment en elle pour risquer quelques picaillons !!!
Le site de Marie-Jo Lafontaine : www.marie-jo-lafontaine.com
Les dates de l'expo